Les deux chefs de file (MR et Open VLD, faut-il le rappeler) au Sénat ont cosigné une carte blanche sur la manière de lutter contre le radicalisme. Parue dans L’Echo du jeudi 14 janvier, elle explique le rôle utile déjà joué par la commission Radicalisation du Sénat.
Lancée en mai 2015 sur proposition des groupes MR et Open VLD, la commission Radicalisation du Sénat n’a pas tardé à prouver son utilité. En quelques mois, elle a ainsi permis de collationner les mesures et initiatives prises par les différents gouvernements et parlements du pays, et ipso facto de pointer les manquements résultant de ce partage des tâches pas toujours coordonné.
La carte blanche cosignée par les Sénateurs libéraux Jean-Paul Wahl et Jean-Jacques De Gucht résume et illustre parfaitement le phénomène. Parue ce jeudi dans L’Echo, la voici in extenso :
« Les effets du radicalisme se font toujours plus sentir. L’intégrisme islamique est devenu le nouvel agresseur de notre société ouverte et démocratique. Tant le fédéral que les Régions et Communautés renforcent la lutte contre ce phénomène, le plus souvent sans concertation. Un manquement que le Sénat est en train de combler.
Dire que la lutte contre le radicalisme et la radicalisation est au coeur des préoccupations et des discussions relève de l’évidence. Chacun à leur niveau, les différents gouvernements et parlements de notre pays se sont logiquement emparés de cette problématique, dans l’urgence ou non. Résultat : des disparités inévitables mais aussi certains manquements. Prenons deux illustrations parmi d’autres…
La première tient aux prisons. Bien que relevant du ministre de la Justice et donc du pouvoir fédéral, c’est leur lieu d’implantation qui décide de leur approche de la radicalisation. Avec les disparités que cela laisse supposer… Il est donc possible que l’exercice des compétences communautaires mène, au sein d’un même établissement, à des approches différentes du radicalisme.
La seconde tient aux organes de coordination . Plusieurs coexistent à divers niveaux… mais aucun pour faire le lien entre tous. Autrement dit, il n’y a pas, en Belgique, d’instance faîtière ayant une vision globale des initiatives prises dans les entités fédérées et pouvant parallèlement jouer le rôle nécessaire et primordial de courroie de transmission entre ces dernières.
Bonnes idées et manquements

Deux cas, malheureusement pas uniques en leur genre, qui démontrent que, dans l’organigramme des mesures imaginées par les divers niveaux de pouvoirs belges, les bonnes idées côtoient les cases vides. En travaillant dans leurs coins respectifs, le Fédéral, les Régions et les Communautés ont pris des initiatives intelligentes mais en ont également omis d’autres pourtant en action chez leurs voisins, faute d’être au courant de leur existence.
Le sujet pourrait faire sourire s’il ne s’agissait pas d’une matière, aux conséquences aussi lourdes, si pas vitales. Car les deux problèmes expliqués plus haut sont une réalité qui a été mise en exergue par le travail… du Sénat.
Une commission Radicalisation

En mai dernier, sur proposition conjointe des groupes MR et Open VLD, l’institution a en effet créé une commission spéciale dédiée à la radicalisation. L’objectif de celle-ci était aussi simple qu’utile. Il s’agissait tout d’abord d’effectuer le relevé des mesures et initiatives prises par les entités fédérées ainsi que le fédéral. Un regroupement et une comparaison ont suivi pour, in fine, pouvoir communiquer à tous les gouvernements et parlements un rapport circonstancié.
Ce travail aux effets concrets n’est actuellement assumé par aucun organe existant. Il n’avait parallèlement jamais été mené auparavant avant que le Sénat ne se penche sur la question.
Le fameux rapport est actuellement en voie de finalisation. Son apport sera double puisque, comme le montrent les deux exemples précités, il aura autant le mérite de pointer les manquements existants que de partager les bonnes pratiques déjà mises en oeuvre. Une philosophie d’autant plus primordiale que, à l’instar d’une chaîne dont la solidité est celle de son maillon le plus faible, la lutte contre la radicalisation (et, subséquemment, la sécurité de la population) dépend des efforts de tous. Les « absences » de l’un nuisent aux autres. Et inversement.
Le Sénat, espace de dialogue

La particularité de la Belgique fédérale constitue ainsi sa force comme sa faiblesse. Les compétences, dans notre pays n’appartiennent pas de manière homogène à un seul niveau de pouvoir. Qu’il s’agisse de lutte contre la discrimination, de politique de sécurité ou d’échange d’informations, les décisions prises par les uns ont une influence sur les actes des autres. Le problème est que chacun oeuvre de son côté, sans s’inspirer des bonnes idées de ses voisins mais aussi sans se préoccuper des manquement non plus, d’ailleurs. Or, il y aurait moyen pour chaque composante de l’Etat fédéral d’apprendre des actes posés par les autres.
D’où l’intérêt du rôle du Sénat, qui représente plus que jamais l’espace de rencontre et de dialogue par excellence entre les entités fédérées et le fédéral. Une philosophie qui se traduit notamment dans sa commission Radicalisation et qui ne demande qu’à porter ses fruits de manière encore plus concrète. Pour ce faire, il s’agira toutefois que le futur rapport soit lu et intégré. Un travail qui, idéalement, devrait également proposer une série de directives et de pistes à suivre afin que la transparence et le partage soient de mise et que le résultat final puisse allier qualité et homogénéité. »
A noter également que les Sénateurs MR Alain Destexhe, Jacques Brotchi et Anne Barzin font, eux aussi, partie de la commission Radicalisation.