Retour avec Jean-Paul Wahl sur le rapport de la commission Radicalisation du Sénat, qui a été approuvé ce vendredi en séance plénière. Un document de plus de 300 pages qui propose de nombreuses recommandations utiles au divers niveaux de pouvoir.
Approuvé par douze voix pour et une abstention en commission, le rapport relatif à la radicalisation sera présenté ce vendredi en séance plénière du Sénat. Petit aperçu de ce document terriblement utile qui gagne à être davantage connu avec Jean-Paul Wahl, un de ses principaux rapporteurs.
Pourquoi le Sénat s’est-il emparé de la problématique de la radicalisation en Belgique ?
Plus que notre pays, c’est toute l’Europe qui s’interroge sur les nouvelles formes de terrorisme ainsi que sur une montée du radicalisme qui s’ancre dans nos sociétés. Un enjeu grave et complexe, donc, qui, en Belgique, est géré simultanément par plusieurs niveaux de pouvoir. Il est dès lors essentiel que chacun se coordonne au mieux avec les autres. Or, depuis la sixième réforme de l’Etat, le Sénat se veut être le point de contact, le lieu de discussion entre le fédéral et les entités fédérées… Les Sénateurs sont devenus par essence les représentants des Régions et des Communautés.
Quelques exemples de ces matières transversales ?
Le fédéral, pour qui la lutte contre le terrorisme et le radicalisme est l’une des priorités absolues, a déjà mis en oeuvre plusieurs mesures (via d’importants efforts budgétaires) dont certaines qui concernent les Régions et/ou les Communautés. Citons notamment celles qui concernent l’exclusion des prédicateurs de haine, le démantèlement des lieux de culte non-reconnus qui prônent le djihad, la fermeture des sites Internet qui prêchent la haine…
Que dit le rapport approuvé par cette commission que vous avez initiée avec Jean-Jacques De Gucht (Open VLD) ?
Ce rapport, qui se veut avant tout une synthèse des mesures prises par les différents niveaux de pouvoir, se structure en huit points névralgiques qui nécessitent une meilleure coopération entre les Régions, les Communautés, le fédéral… Impossible de tous les citer mais difficile de ne pas en pointer certains comme celui consacré au secret professionnel. Il s’agit d’un élément-clé au niveau du partage d’informations. Mais les modalités divergent en fonction des catégories de professions mais aussi des Régions et Communautés. D’où le besoin d’un cadre permettant la récolte et le partage des informations sur les signaux indiquant des risques de radicalisation.
Il y a aussi cette fameuse ligne verte nationale…
Un projet que le MR et l’Open VLD souhaite mettre en place et qui consisterait en un point de contact central pour toute la population. Actuellement, il existe un numéro vert en Communauté française mais il a peu de succès et n’a qu’une vocation informative. Qui plus est, les personnes qui traitent les appels ne sont pas suffisamment formés et ne peuvent que renvoyer vers les aides juridiques de première ligne. L’idée serait donc d’avoir une ligne gratuite pour tout le pays qui aurait vocation d’aider directement les appelants, comme c’est déjà le cas en France, au Danemark ou aux Pays-Bas.
D’autres propositions du rapport ?
Le point 5, par exemple, traite de la reconnaissance des imams et des mosquées. Il rappelle tout d’abord l’importance du respect de l’accord de coopération entre la Justice et les entités fédérées (essentiel pour que les infos de la Sûreté de l’Etat parviennent aux services et instances concernés). Mais il souligne également la complexité de cette problématique au vu de la distribution des compétences entre les divers niveaux de pouvoir.
Plus concrètement ?
Si la reconnaissance des cultes est une matière fédérale (tout comme la rémunération des ministres de ces cultes), ce sont les Communautés qui sont compétentes en matière de formation des imams, tandis que les Régions sont chargées de la reconnaissance des communautés islamiques locales mai aussi de la nomination des enseignants qui donnent les cours de religion… ou encore pour organiser les établissements chargés de la gestion du temporel d’un culte.
Quid de l’aspect « intégration » ?
Les questions du vivre ensemble et de l’intégration sont au coeur du projet libéral depuis de nombreuses années. Le MR s’est positionné dès 2004, soit bien avant les autres, sur la nécessité d’un parcours d’intégration obligatoire pour les primo-arrivants mais aussi sur la mise en place d’un cours de citoyenneté et d’histoire de la philosophie dans l’enseignement officiel. Plus de dix ans ont passé et ces idées sont enfin timidement prises en compte wallon et bruxellois.
Plus globalement ?
La diversité culturelle constitue une opportunité majeure pour nos sociétés mais elle ne s’impose pas naturellement. Elle doit être accompagnée par les pouvoirs publics afin de faire émerger un vivre ensemble respectueux de tous et émancipateur pour chaque individu. Chaque personne a des droits et des devoirs. Chaque personne a ses convictions et un parcours de vie qui lui est propre. Mais tout le monde doit se retrouver et partager un patrimoine commun de valeurs fondamentales telles que le droit à la vie, la liberté de conscience, la démocratie, l’égalité de l’homme et de la femme, la séparation de l’Eglise et de l’Etat… Sans ce socle de valeurs communes, non seulement vivre en société deviendrait impossible mais, surtout, chaque individu se retrouverait séparé des autres, campant sur ses propres référentiels culturels ou religieux qui, de ce fait, constitueraient ses uniques normes de vie.