Alain Destexhe vient de publier un nouvel ouvrage. Le Sénateur se penche sur le patrimoine mondial, recensant les menaces et avançant des solutions. Interview.
La bibliographie d’Alain Destexhe vient de s’allonger d’une ligne : le nom du Sénateur orne depuis peu la couverture d’un ouvrage intitulé « Les défis de la protection du patrimoine » et édité par l’imprimerie de la Chambre des représentants. Soit une septantaine de pages consacrées à un problème actuel et encore trop sous-estimé.
M. Destexhe, quelle est l’origine de cet ouvrage ?
Il s’agit en fait d’un rapport et d’une résolution réalisés à la demande de l’Union Interparlementaire. Cette sorte de fédération internationale des Parlements m’a en fait chargé de réaliser un travail sur cette thématique en vue d’établir une résolution qui a finalement été approuvée à l’unanimité en mars 2016 à Lusaka.
Pourquoi avoir accepté cette mission de l’UIP ?
Car la thématique m’intéressait. Il faut savoir que, depuis des années, dans le cadre de mes activités parlementaires, j’ai l’opportunité de parcourir le monde. Des voyages qui m’ont souvent permis de constater que les problèmes liés à la protection du patrimoine sont majeurs. Qu’il s’agisse du Machu Picchu, d’Angkor, de la Chapelle Sixtine… ou, plus près de chez nous, des musées et des cimetières, on peut voir que le patrimoine est non seulement en danger mais également parfois détérioré à des degrés divers… Je vise ici le patrimoine architectural, naturel, subaquatique (peu connu)…
On vous sent très impliqué…
Et pour cause : le patrimoine, c’est un peu l’histoire des hommes. J’éprouve, par exemple, une grande émotion lorsque je pense aux civilisations pré-chrétiennes en Mésopotamie. Le patrimoine est un lien qui nous rattache à tous les hommes, tant ceux d’aujourd’hui que ceux du passé. C’est l’illustration que nous appartenons tous à une même humanité. Bref, ces signes, il faut les préserver.
Dans votre rapport, vous pointez des menaces. Quelles sont-elles ?
Elles sont très variées. Citons notamment la croissance démographique et l’urbanisation ou encore la mondialisation voire même le tourisme de masse. La Chapelle Sixtine, par exemple, est visitée chaque jour par 15.000 à 20.000 personnes. Des gens qui, comme l’explique le directeur des Musées du Vatican, respirent, transpirent et produisent de la poussière et de l’humidité qui mettent les fresques en danger. Or, il existe bien d’autres sites qui ne peuvent plus être visités dans les conditions actuelles sous peine d’être détruits, ne fût-ce que partiellement, par l’afflux de touristes.
Sans oublier les conflits armés…
Effectivement. Dans des zones de conflit telles que la Syrie ou l’Irak, le patrimoine n’est plus du tout protégé. On pense alors à Daesh et à ses destructions mais il ne faudrait pas non plus passer sous silence les autres groupes armés, les gardiens de musée peu scrupuleux, les paysans qui se servent en matériaux dans le site archéologique voisin… A croire que la Communauté internationale ne parvenant pas à stopper les conflits ou à protéger les êtres humains, préfère laisser en plan la protection du patrimoine.
A propos de Daesh, quelle importance a le trafic d’oeuvres d’art dans le financement de l’Etat islamique ?
Les liens entre le patrimoine et le terrorisme sont parfaitement établis. S’il ne s’agit pas de la principale source de financement de Daesh, toutes ces oeuvres et tous ces objets constituent tout de même le troisième apport de ce groupe. Je plaide d’ailleurs pour qu’on accorde davantage d’importance à ce sujet, mais certains semblent vouloir se concentrer en priorité sur le trafic d’armes, le pétrole…
Votre ouvrage recense des solutions. Laquelle voudriez-vous mettre en avant ?
La réalisation d’un inventaire digitalisé et disponible en ligne. Avec un tel outil, la tâche des policiers, douaniers, antiquaires, marchands, notaires (qui ne sont pas forcément formés à reconnaître des oeuvres d’art)… serait grandement facilitée dans le sens où cette base de données indiquerait notamment l’origine des objets qu’ils voient parfois passer.