De plus en plus de cas de maltraitance infantile sont rapportés en Belgique. Christine Defraigne a mis le point sur la table au travers d’une double question écrite adressée au ministre de la Justice et à son homologue des Affaires sociales et de la Santé publique.
Le 1er juillet dernier, la Présidente du Sénat Christine Defraigne a envoyé une question écrite à non pas un mais bien deux ministres, à savoir Maggie De Block (en charge des Affaires sociales et de la Santé publique) et Koen Geens (Justice). Le sujet ? La maltraitance infantile.
La Sénatrice se fonde sur plusieurs données précises. « Selon les derniers chiffres de SOS Enfants, de plus en plus de cas de maltraitance infantile sont rapportés, explique Christine Defraigne dans son texte. On passe de 5.619 en 2014 à 5.972 en 2015 en Belgique francophone. En Flandre, le Vlaamse Vertrouwenscentra voor Kindermishandeling a comptabilisé 7.311 plaintes en 2014. La même année, 13 cas concernant des mineurs ont été transmis au Sozial-Psychologisches Zentrum, et le Jugendhilfedienst en a traité 7 pour abus sexuel. »
Christine Defraigne, qui précise d’emblée qu’il ne faut pas confondre les signalements et les situations de maltraitance, constate que dans 38,1% des cas, c’est de maltraitance sexuelle dont il s’agit (contre 22,2% de négligences graves et 19,3% de maltraitances physiques). Or, comme l’indique la Présidente, « dénoncer la maltraitance n’est pas chose aisée. Les personnes ont peur de se tromper ou d’accuser à tort les parents. Il semblerait qu’une mauvaise connaissance du système judiciaire soit à l’origine d’un taux de dénonciation faible ».
D’où les interrogations de Christine Defraigne :
1) Une réflexion est-elle en cours au sein de votre département à ce sujet ?
2) Pensez-vous qu’il serait nécessaire de mieux informer les citoyens quant à la possibilité de dénoncer des faits de maltraitance infantile ?
3) Sachant qu’il convient de rendre la justice accessible à tous, pensez-vous qu’il serait opportun de mettre en place de nouveaux mécanismes judiciaires simplifiés et assurant la discrétion dans le but d’inciter tout citoyen à dénoncer ces cas ?
4) Une concertation avec les Communautés et Régions a-t-elle eu lieu ? Si oui, quels ont été les résultats ? Dans la négative, une telle concertation est-elle envisagée ?
La réponse du ministre de la Justice est arrivée le 9 novembre.
La voici ci-dessous dans son intégralité.
« 1) à 4) Comme cela a déjà été abordé dans d’autres questions parlementaires (6-255, 6-502, 6-641), le principe de subsidiarité voulu par le législateur et appliqué en matière de maltraitance envers les enfants résulte du fait que le secteur de l’aide consentie est considéré comme étant mieux placé que le secteur judiciaire pour intervenir dans ces situations. Ce sont donc vers les services de l’aide des Communautés que les situations d’enfant en danger ou en difficulté seront prioritairement orientées. Il existe ainsi toute une série de situations qui ne passent pas devant le juge de la jeunesse ou le juge correctionnel. De ce fait, le nombre de poursuites est nettement inférieur aux chiffres donnés par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Toujours dans cet esprit, des protocoles ont été conclus entre les Communautés et la Justice. En Flandre, le «Protocol Kindermishandeling Welzijn-Justitie-Politie », signé en 2010 et actualisé en 2014, comprend un plan d’action par étapes qui peut servir de fil conducteur pour la prise en charge d’affaires de maltraitance par les différents professionnels.
Dans la partie francophone du pays, le « Protocole d’intervention entre le secteur médico-psycho-social et le secteur judiciaire », entre les Communautés française et germanophone et SPF Justice, signé en 2007, a pour objectif de permettre une intervention articulée de la manière la plus optimale qui soit entre secteur médico-psycho-social et secteur judiciaire, et ce, dans le plus grand intérêt de l’enfant dans l’hypothèse où la situation de maltraitance est portée à la connaissance de la justice.
De plus, une concertation est actuellement en place dans chaque Communauté et regroupe des représentants de la justice, de la police, des Communautés et des Régions. Ces deux organes sont spécifiquement consacrés à la maltraitance des enfants au sens large. Il s’agit du Vlaams Forum Kindermishandeling en Flandre, dit le VFK (mis en place par le Samenwerkingsakkoord tussen de Federale Staat en de Vlaamse Gemeenschap tot oprichting van een Vlaams Forum Kindermishandeling”, 17 janvier 2011), et de la Conférence permanente de concertation « maltraitance » pour la partie francophone et germanophone du pays. L’objectif de ces lieux de rencontre est de suivre l’application des protocoles mentionnés ci-dessus, d’aborder les problèmes structurels relatifs à la maltraitance des enfants et de formuler des recommandations et des propositions relatives à l’approche de la maltraitance des enfants de sa propre initiative ou à la demande d’un ou des ministres compétents en la matière. Ainsi, le VFK a déjà formulé des recommandations sur des thématiques telles que les mutilations génitales féminines ou encore les enfants dans les situations conflictuelles de divorce. La Conférence permanente quant à elle aborde des questions telles que le secret professionnel et l’échange d’informations entre secteurs.
En ce qui concerne les professionnels et les citoyens qui pourraient rencontrer une situation de maltraitance, les Communautés ont développé de nombreuses initiatives en vue de les informer et leur permettre de réagir au mieux. Soulignons, par exemple, les lignes d’actions du gouvernement flamand telles que la ligne d’aide 1712 destinée au citoyen dans le cadre d’abus, de violence et de maltraitance d’enfants et joignable de 9 à 17h et accessible aux mineurs et aux majeurs, les campagnes d’information et de sensibilisation sur la maltraitance d’enfants auprès du grand public, la mise en place de la formation de professionnels ou encore la rédaction, la signature et le suivi de la déclaration du nouvel engagement à protéger l’intégrité sexuelle des mineurs dans l’enseignement, le sport, le secteur de la jeunesse, l’aide à la jeunesse et l’accueil des enfants du 29 janvier 2016. Des sites de discussions permettant aux jeunes de s’exprimer et obtenir une écoute et une aide ont également été mis en place (www.nupraatikerover.be ).
Du côté francophone, le groupe de travail qui avait réalisé le protocole susmentionné a réalisé, en 2013, un outil de vulgarisation de celui-ci sous forme de brochure intitulée « Que faire si je suis confronté à une situation de maltraitance d’enfant ? – M’appuyer sur un réseau de confiance ». Elle s’adresse aux intervenants de tous les horizons tels que les centres PMS, les enseignants, les magistrats, les animateurs de maisons de jeunes… Outre son côté informatif, elle permet de créer des partenariats et de les sensibiliser à cette problématique. La cellule de coordination de l’aide aux enfants victimes de maltraitance est à l’origine du Programme de prévention et de sensibilisation YAPAKA destiné au public. YAPAKA utilise pour ce faire différents canaux: publications (collection « Temps d’arrêt »), vidéos, formations, plateforme d’échange et d’informations… Par ailleurs le numéro d’appel gratuit d’Ecoute-enfants, le 103, est accessible 24h sur 24 et 7j sur 7. Les enfants peuvent discuter de leurs problèmes avec des personnes qualifiées qui les aideront à trouver des solutions. »