Le Sénateur MR a été mis à l’honneur pour ses vingt années de carrière politique.
C’était en 1995. Alain Destexhe faisait son entrée au Sénat. Un hémicycle où, depuis lors, il a toujours siégé (hormis entre 2009 et 2014) et où il a été mis à l’honneur ce vendredi 7 juillet en compagnie d’autres jubilaires pour ses vingt ans de carrière parlementaire.
A noter que ce genre de cérémonie n’a lieu qu’une fois par législature, ce qui explique que le Sénateur ixellois ait entre-temps déjà atteint le cap des vingt-deux ans…
Un hommage a donc été prononcé pour chacun des jubilaires, à savoir, Karl-Heinz Lambertz, Brigitte Grouwels, Alain Destexhe, Sabine de Bethune et Bert Anciaux. Si la Présidente du Sénat Christine Defraigne en personne s’est chargée des discours relatifs à Karl-Heinz Lambertz et Sabine de Bethune, tous deux anciens Présidents d’assemblées, c’est au Sénateur louviérois Olivier Destrebecq qu’est revenue la responsabilité de dresser le portrait politique d’Alain Destexhe.
Une allocution à lire en intégralité ci-dessous.
Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,
J’ai l’immense plaisir et l’insigne honneur de vous annoncer que l’on célèbre aujourd’hui, en séance plénière du Sénat, les 20 ans de carrière parlementaire de M. Alain Destexhe. Je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée d’évoquer à cette tribune le parcours assez particulier de notre collègue.
Docteur en médecine de l’Université de Liège, ville qui l’a vu naître, M. Alain Destexhe est aussi diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, détenteur d’un certificat en management de l’INSEAD de Fontainebleau et, last but not least, d’une licence en expertise médicale à l’université de Louvain et d’un certificat en management médical à l’ULB.
Sa vocation de médecin, il la met douze années durant au service de Médecins sans Frontières, d’abord comme médecin bénévole sur le terrain : il est envoyé successivement au Honduras, où il s’occupe de réfugiés salvadoriens, en Guinée, au Guatemala, dans les zones frontières entre le gouvernement et la guérilla, et au Soudan, où il vient en aide aux réfugiés éthiopiens victimes de la grande famine de 1985.
En 1991, il est nommé Secrétaire général de Médecins Sans Frontières International. Il le restera jusqu’en 1995 et sera un témoin privilégié des grandes crises humanitaires de la première moitié des années nonante : la première guerre du Golfe, la guerre en ex-Yougoslavie, la famine en Somalie et le génocide au Rwanda, en 1994.
Toutes ces expériences sur le terrain devaient presque logiquement et immanquablement le conduire tôt ou tard à s’engager en politique. C’est ainsi qu’en 1995, Alain Destexhe est élu sénateur pour le Mouvement Réformateur. Il siégera à la Haute assemblée pendant quinze ans. Depuis 2009 il est député bruxellois et membre du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui lui permet, à l’issue du scrutin de 2014, de se rasseoir sur les bancs, ou plutôt dans un des fauteuils, du Sénat.
Son expérience des grandes crises internationales a marqué son engagement dans notre assemblée.
D’entrée de jeu, il s’intéresse de près au sort des Rwandais et du Rwanda qu’il connaît fort bien pour y avoir vécu, notamment au moment du génocide en 1994. Sa présence au sein de la Commission d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda, dont il fut l’initiateur et le secrétaire, et sa contribution à l’élaboration du rapport et des recommandations furent dès lors des plus précieuses. Dans ce contexte, il a lancé un appel pour que la communauté internationale retienne les leçons de cette tragédie afin qu’elle ne se reproduise plus jamais.
Son engagement humanitaire, son amour du Rwanda et de l’Afrique centrale, sa passion pour la politique internationale constituent assurément le premier fil rouge de sa carrière politique. On ne compte pas le nombre de questions sur les points chauds du globe, ni le nombre de prises de position – toujours passionnées – contre toutes les violations du droit humanitaire. Son horizon s’étend aux cinq continents, Alain Destexhe est un bourlingueur politique.
Le second fil rouge de sa carrière sénatoriale, on ne s’en étonnera pas, concerne les questions liées à la médecine. On revient toujours à ses premières amours ! Un petit florilège des interventions d’Alain Destexhe au sein de notre assemblée est à cet égard éloquent. Ses préoccupations concernent la crise du cidex, le distilbène, le softenon, le viagra, le zofra, la maladie de Leber, les microbicides, les infections nosocomiales, la polyarthrite rhumatoïde, les mélanomes cutanés, l’amiante, les perfusionistes, et j’en passe. Il est recommandé de se munir d’une bonne pharmacopée avant d’entreprendre l’inventaire de ses interventions au Sénat !
Enfin, le fonctionnement de l’État, ou plutôt ses dysfonctionnements, la santé de la démocratie parlementaire, les dérives de la société moderne et la montée des radicalismes sont systématiquement passés au crible. Ils constituent le troisième fil rouge de son engagement au Sénat.
Ses trois thèmes de prédilection, Alain Destexhe les développe dans une dizaine de livres, qu’il écrit seul ou en tandem avec des experts du monde académique ou de la société civile, dans le style pamphlétaire qui le caractérise si bien. Son souci constant d’oser la vérité, pour paraphraser un de ses ouvrages, ne s’accommode pas de la langue de bois, ni du politiquement correct.
Chacun de ses livres est un pavé jeté dans la marre. Aucun sujet n’est tabou.
Quand il écrit sur le génocide du Rwanda et le drame des paras belges, sur le Kosovo ou la Corée du Nord, quand il dénonce les excès de la particratie, les rentes de situation en Wallonie, les gabegies administratives, les dérapages du « Berlaymonstre » ou les dérives syndicales, il démonte les préjugés, il casse les dogmes, il dénonce les injustices. En un mot, comme en cent : il s’indigne.
Quiconque connaît tant soit peu Alain Destexhe n’aura aucune peine à admettre que tant le médecin que l’homme politique est mû par un profond sentiment d’empathie avec les personnes en détresse, un sentiment de solidarité à l’égard des États dans le besoin : ce n’est à cet égard ni trahir la vérité, ni lui faire offense, que de dire qu’il fait figure de frondeur, de trublion, de franc-tireur au sein de la classe politique en général et de son parti en particulier : « Dire toujours ce que l’on pense », telle pourrait être sa devise, alors que l’on nous apprend bien souvent que « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Et puis, il ne serait pas jubilaire aujourd’hui si une frange substantielle de la population ne se reconnaissait en lui !
Le temps semble avoir peu de prise sur lui. Son apparence est immuable et son esprit en constante ébullition. Il n’est jamais en manque d’idées. Il ne cesse de se réinventer. Il a su préserver une grande fraîcheur d’âme tout en conservant l’esprit espiègle de sa jeunesse. Il aime se remettre en question et n’hésite pas à secouer le cocotier politique lorsque la cause lui paraît juste.
Allergique aux idées reçues, il n’accepte jamais les choses aveuglément et sans débat contradictoire, démontrant par là même qu’il est possible de conserver son libre arbitre et son autonomie politique dans un système qui préfère souvent la tyrannie du consensus ou les accommodements raisonnables. Son côté rebelle, son côté poil à gratter ne l’ont certes pas toujours rendu populaire, mais ne l’ont jamais empêché d’être apprécié et respecté.
Son profond attachement à la liberté, sans cesse présent comme un leitmotiv dans son action et son discours, n’est pas le seul fruit de ses convictions libérales, mais aussi d’une véritable générosité humaine.
Cher Collègue, je vous félicite pour vos 20 ans de carrière parlementaire et vous souhaite de cultiver longtemps encore la passion qui vous a animé durant toutes ces années.