Viviane Teitelbaum porte la voix des femmes afghanes au Sénat : Adoption d’une résolution contre l’apartheid fondé sur le sexe ou le genre imposé par les talibans en Afghanistan
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Ce vendredi 28 mars en séance plénière, le groupe MR au Sénat a fait adopter une résolution dénonçant avec fermeté la situation dramatique des femmes en Afghanistan sous le régime des talibans.
« Les talibans ont transformé l’Afghanistan en prison pour la moitié de sa population. Invisibles et désormais silencieuses, les femmes sont victimes d’une régression alarmante et intolérable qui répond à la définition d’apartheid fondé sur le sexe », explique Viviane Teitelbaum. Il ne s’agit pas de discrimination, mais d’ un système de gouvernance fondé sur l’effacement des femmes.
Les faits sont accablants :
– 1,1 million de filles exclues de l’enseignement secondaire ;
– 0 femme dans les institutions publiques ou judiciaires ;
– 18 % des Afghanes n’ont rencontré aucune femme en dehors de leur famille depuis trois mois ;
– 68 % d’entre elles déclarent une santé mentale « mauvaise » ou « horrible » ;
– En 2023, près de 30 % des filles de moins de 18 ans étaient déjà mariées, dont près de 10 % avant l’âge de 15 ans
Les talibans interdisent désormais aux femmes de se déplacer seules, de travailler, de se rendre dans des lieux publics, elles ne peuvent plus faire entendre leur voix en public, chanter ou lire à voix haute, ni même entendre d’autres femmes dans l’espace public.
Par cette résolution, le MR demande au gouvernement fédéral de :
– D’exiger des Nations unies la reconnaissance de l’apartheid sexuel ou de genre comme crime contre l’humanité;
– Renforcer les sanctions diplomatiques et économiques ciblant les talibans ;
– Conditionner l’aide internationale au respect des droits des femmes
– Renforcer l’accueil et la protection des militantes afghanes
Viviane Teitelbaum : « Reconnaître et combattre l’apartheid fondé sur le sexe est un combat pour les droits humains universels, un combat pour la justice et la dignité. Ne laissons pas éteindre leur voix, disparaître leurs visages ».
Gaëtan Van Goidsenhoven, chef de groupe MR au Sénat, conclut : « Refuser d’agir, c’est consentir à la barbarie. Cette résolution est un signal fort : la Belgique ne détournera pas le regard ».
Le Mouvement réformateur réaffirme que les droits des femmes ne sont pas négociables, et que la lutte pour la dignité humaine ne s’arrête pas à nos frontières.
Retrouvez ici l’intervention complète de Viviane Teitelbaum :
Monsieur le Président, Cher.e.s collègues,
Il y a trois ans, en août 2021, le monde regardait avec effroi les talibans reprendre Kaboul, s’emparer du pouvoir, entraînant une régression rapide et alarmante des droits humains et des droits des femmes. Depuis, la situation des femmes afghanes continue de se détériorer sous les yeux du monde entier.
Le régime des talibans ne s’est pas contenté de restreindre les droits des femmes. Pour les femmes et les filles de ce pays, il ne s’agit pas d’une simple régression mais d’un véritable système organisé et institutionnalisé d’oppression fondé sur le sexe, qui vise à exclure les femmes et les filles de la vie publique, à les priver de leurs droits fondamentaux et, in fine, à les effacer de la société.
Elles ne peuvent plus aller à l’école, à l’université. Elles ne peuvent plus travailler. Elles ne peuvent plus se soigner, ni soigner les autres. Elles ne peuvent plus se déplacer seules, ni même se rendre dans un parc. Elles doivent se couvrir entièrement lorsqu’elles quittent leur domicile, jusqu’à mettre un masque sur la bouche. Elles ne peuvent plus faire entendre leur voix en public, chanter ou lire à voix haute. Le gouvernement taliban a transformé l’Afghanistan en une immense prison pour la moitié de sa population. Invisibles et désormais silencieuses.
Il faut une réponse internationale. Nous devons nommer ce crime pour ce qu’il est : un apartheid sexuel ou de genre.
L’apartheid, tel que défini par le droit international, n’est pas limité à la race. La Convention internationale de 1973 sur la répression du crime d’apartheid et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale définissent l’apartheid comme un système institutionnalisé de domination et d’oppression systématique d’un groupe sur un autre, dans l’intention de maintenir ce système.
Pour Annie Sugier, présidente de la ligue internationale des droits des femmes, le parallèle entre l’Afrique-du-Sud et l’Afghanistan ou l’Iran s’impose : il y a dans les deux cas « un système institutionnalisé qui se fonde sur une séparation et une inégalité », la définition de l’apartheid.
L’ONU, des juristes internationaux, des organisations de défense des droits humains reconnaissent aujourd’hui que ce qui se passe en Afghanistan correspond exactement à cette définition.
Ce n’est pas une simple série de lois misogynes. C’est un système de gouvernance fondé sur l’effacement des femmes. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation en Afghanistan, Richard Bennett, l’a clairement exprimé : « L’institutionnalisation de l’oppression des femmes en Afghanistan n’est pas une simple discrimination, c’est un apartheid de genre. Un système conçu pour exclure, dominer, terroriser les femmes. »
L’interdiction d’étudier touche aujourd’hui plus de 80 % des filles du pays. L’accès à l’université leur est interdit. L’interdiction de travailler a contraint les femmes à quitter les administrations, les entreprises et les organisations humanitaires, les condamnant ainsi à la dépendance économique et à l’invisibilité. L’interdiction de circuler est tout aussi implacable : elles ne peuvent pas voyager sans un homme de leur famille, ni prendre un vol intérieur sans tuteur, ni même marcher seules dans la rue. L’interdiction de parler et d’être entendue est un pas de plus vers leur effacement. En octobre 2024, une nouvelle directive leur a même interdit d’entendre d’autres femmes dans l’espace public.
Enfin, l’interdiction d’exister est devenue une réalité implacable. Elles sont emmurées vivantes chez elles. Un système qui réduit une moitié de la population à l’état de fantôme n’est pas par ignorance, et ce n’est ni une déficience, ni même une carence ou une absurdité, c’est une barbarie.
Ces interdictions ne sont pas seulement des atteintes aux droits fondamentaux. Elles ont des conséquences tragiques et immédiates. L’explosion des mariages forcés et précoces est l’une des plus dramatiques. En 2023, près de 30 % des filles de moins de 18 ans étaient déjà mariées, dont près de 10 % avant l’âge de 15 ans et parfois elles sont vendues dès l’âge de 6 ans à des hommes plus âgés pour nourrir leurs familles.
Privées d’éducation, ces jeunes filles sont enfermées dans des foyers où elles deviennent des servantes ou des esclaves sexuelles. L’interdiction de l’accès aux soins et les mariages forcés font exploser le nombre de grossesses précoces. D’après ONU femmes, d’ici 2026, les grossesses forcées augmenteront de 45 % et la mortalité maternelle de 50 %.
De plus, 68% pour cent des femmes afghanes déclarent souffrir de détresse mentale sévère. Cent quarante suicides de femmes ont été recensés en 27 mois. Et combien de suicides que nous ne saurons jamais, car dans une société où les femmes n’ont plus de voix, même leur mort passe sous silence. Nous assistons à un véritable féminicide d’État, un crime dont la seule finalité est l’effacement d’un sexe du corps social.
Parce que nous ne pouvons pas rester spectateurs, spectatrices, notre résolution demande au gouvernement fédéral d’exiger des Nations unies la reconnaissance de l’apartheid sexuel ou genre comme crime contre l’humanité. Nous devons durcir les sanctions contre les talibans, et faire du respect des droits des femmes et des filles une condition essentielle à notre niveau d’engagement avec les talibans dans tous les domaines, y compris dans le cadre de l’aide humanitaire. Nous devons renforcer l’accueil et la protection des militantes afghanes en danger.
Et surtout, nous devons être cohérent.e.s. Pas une once de légitimité, pas un compromis avec un régime qui asservit les femmes.
Chères, chers collègues,
N’ayant plus nulle part où se réfugier, victimes de viols collectifs et de tortures si elles sont emprisonnées, et les talibans ont dissous tous les mécanismes destinés à protéger les femmes contre un taux extrêmement élevé de violences domestiques. L’Afghanistan est aujourd’hui la situation la plus extrême pour les femmes.
A l’instar du courage des Afghanes, qui dans la foulée de la promulgation de la loi qui leur impose de cacher leur visage et éteindre leur voix, se sont filmées en train de chanter, nous devons agir.
A l’instar de Richard Bennet, le rapporteur spécial de l’ONU sur l’Afghanistan qui a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme que le système institutionnalisé d’oppression fondée sur le genre des talibans serait constitutif d’un crime contre l’humanité, et rappelant qu’en Iran aussi la répression contre les femmes est systémique, nous devons agir.
Nous devons poser un acte fort. Refuser à notre niveau d’être complices de cette situation, et exiger que ce crime soit reconnu et combattu.
Il faut reconnaître et mettre fin à l’apartheid fondé sur le sexe. Ce combat pour les droits des femmes Afghanes, et au-delà, pour les femmes iraniennes aussi, et partout, est un combat pour les droits humains universels, un combat pour la justice et la dignité.
Je vous remercie.