La pandémie de Covid-19 a creusé les inégalités
Les conséquences ont touché des domaines comme le fonctionnement des démocraties, l’économie… et les droits de l’homme. Une proposition de résolution cosignée par l’Open VLD et le MR pointe nombre de problèmes et de solutions.
Crise sanitaire à son entame, la pandémie de Covid-19 a, en Belgique et dans le monde, eu des effets dans bien d’autres domaines que la santé. Nombreux furent et sont encore les conséquences sur les démocraties et leur fonctionnement, l’économie, les moyens de subsistances de millions de personnes… et les droits de l’homme.
Sans oublier le fait que la crise a amplifié les inégalités structurelles qui étaient déjà présentes dans nos sociétés. C’est ce qui a motivé la proposition de résolution visant à une meilleure prise en compte de la diversité lors de la mise en œuvre de mesures durant une crise. Un texte déposé par l’Open VLD (au travers des signatures de Rik Daems et Willem-Frederik Schiltz), soutenu d’emblée par le MR (via le chef de groupe Gaëtan Van Goidsenhoven et Véronique Durenne) et qui a été adopté ce vendredi 23 avril en séance plénière du Sénat.
La proposition de résolution pointe nombre d’illustrations : « Les femmes, surreprésentées dans les professions de la santé et des soins, ont joué un rôle considérable en première ligne dans la dispensation des soins médicaux, mais n’avaient souvent aucune visibilité en tant qu’expertes dans ces domaines et étaient sous-représentées au sein des instances publiques spécifiquement créées pour combattre la crise. Les personnes vivant en institution, dont de nombreuses personnes âgées ou handicapées, sont très vulnérables face au virus. Les personnes d’origine africaine, les Roms, les migrants et leurs enfants, ainsi que les personnes LGBTI, ont été touchés de manière disproportionnée en raison des inégalités persistantes en matière de santé et d’accès aux soins. Ces inégalités sont dues généralement au statut socioéconomique, au racisme, à la marginalisation et à la discrimination profondément ancrée dans des secteurs tels que le logement, l’emploi et l’enseignement. »
Des inégalités structurelles qui existaient déjà avant la pandémie et qui ont été aggravées par celle-ci.
Moult mesures discriminatoires ont ainsi été appliquées dans plusieurs pays étrangers. En Bulgarie et en Slovaquie, des groupes de roms ont été placés en quarantaine obligatoire (avec surveillance par l’armée dans le second Etat cité). Plus de 50.000 roms ont ainsi été coupés du reste de la population, en Bulgarie, avec, à la clef, de graves pénuries alimentaires.
Comme l’explique le texte de la résolution, « les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants dans les camps et les infrastructures partagées ont également été la cible de quarantaines sélectives. Ce fut le cas en Allemagne, à Chypre et en Serbie. En France et en Grèce, ils ont été expulsés de force des infrastructures. »
Quant aux sans-abris, ils ont eux aussi été durement touchés par les mesures de confinement ; certains ont même reçu des amendes pour non-respect des impératifs d’isolement. Last but not least, il a également été constaté que le racisme avait été ravivé par la pandémie.
« Le Covid-19 expose et creuse les inégalités existantes, portant atteinte de façon disproportionnée aux communautés marginalisées et/ou vulnérables qui sont trop souvent privées d’accès à des services essentiels, tels que l’accès au logement et aux soins de santé, a notamment souligné le Sénateur MR Alexander Miesen lors de la séance plénière. Il est donc de notre responsabilité de travailler toujours plus à la lutte contre ces inégalités et discriminations, car l’éradication totale de ce virus passera forcément et sans l’ombre d’un doute par la réduction de ces phénomènes ».
Après les constats, des solutions
Reste que la résolution met aussi en avant nombre de manières d’améliorer la situation.
Le Sénat demande ainsi aux différents gouvernements du pays :
1) de mettre la sécurité des victimes de violence à caractère sexiste et de violence domestique au centre de toutes les mesures et politiques mises en œuvre pour faire face à la pandémie. Des efforts importants ont été déployés tant au niveau fédéral qu’au niveau des Communautés, des Régions, des provinces et des communes afin de sensibiliser, d’informer et d’accueillir le grand public et des groupes cibles spécifiques, d’accompagner les victimes et d’amener les auteurs à rendre des comptes. Des efforts considérables ont déjà été accomplis en ce qui concerne la recherche scientifique, la collecte de statistiques, l’amélioration des réglementations, le lancement de nouvelles initiatives législatives pour la protection des victimes et la mise en place de partenariats entre la police, la justice et les services d’aide. Les faits de violence entre partenaires n’en restent pas moins une réalité quotidienne et font peser une menace sur le respect des droits fondamentaux de milliers de personnes. Il est du devoir des pouvoirs publics de placer la sécurité des victimes de violence sexiste et domestique au centre des mesures prises lors d’une pandémie ;
2) de s’assurer non seulement que les institutions de crise (police, pompiers, cabinets, agences, etc.) disposent de l’expertise technique nécessaire mais aussi qu’elles reposent sur une représentation équilibrée des deux sexes ainsi que de la société, c’est-à-dire qu’elles soient largement représentatives. Ces organisations de crise sont censées prendre conseil régulièrement auprès des instances, des organisations de la société civile et des experts compétents en matière de promotion de l’égalité ;
3) de faire systématiquement usage des outils de budgétisation sensibles à la dimension du genre et à l’égalité des sexes afin de déterminer l’incidence des mesures sur différents groupes de la population et d’évaluer l’efficacité, l’efficience et la pertinence de celles-ci ;
4) de faire en sorte que les mesures prises reposent sur des données objectives, collectées et ventilées par sexe, «race», origine ethnique, orientation sexuelle, identité de genre, caractéristiques sexuelles, handicap, âge et état de santé et ce, dans le plein respect non seulement des normes internationales en matière de protection des données à caractère personnel (Conventions 108 et 108+ du Conseil de l’Europe) mais aussi des principes de confidentialité, de consentement éclairé et d’auto-identification volontaire ;
5) de veiller, dès le début d’une crise sanitaire, à planifier et budgétiser l’octroi d’une aide supplémentaire à ceux qui en ont besoin, comme les locuteurs de langues minoritaires ou non officielles et les personnes en situation de handicap, afin de leur garantir une égalité d’accès à l’information sur les mesures qu’ils peuvent prendre pour se protéger en période de crise et sur les obligations nouvelles qui en découlent ;
6) de veiller, dès le début d’une crise sanitaire, à planifier et budgétiser l’octroi d’une aide supplémentaire aux personnes qui pourraient être durement touchées par les mesures prises en réponse à la crise ou par de nouvelles dispositions entravant l’accès aux services dont elles sont dépendantes et ce, en raison de leur sexe, leur «race», leur origine ethnique, leur orientation sexuelle, leur identité de genre, leurs caractéristiques sexuelles, leur handicap, leur âge et leur état de santé.