Une femme sur cinq déclare avoir été violée
Véronique Durenne a profité d’une question écrite pour mettre en avant le manque d’informations relatives aux violences sexuelles, un fléau dont les victimes ne se manifestent pas assez souvent, loin de là.
Près d’un Belge sur deux a été exposé au moins une fois dans sa vie à une forme de violence sexuelle. Une femme sur cinq mais aussi un jeune sur quatre déclare avoir déjà subi un viol. Ces chiffres issus d’un sondage réalisé par Amnesty International et publié en mars 2020 ne peuvent qu’interpeler.
Sans parler des données résultat d’une étude commandée en 2019 par la Commission européenne. Ses conclusions ? En Belgique, sur cent dossiers de viol traités, la moitié des auteurs sont restés inconnus. Sur l’autre moitié, quatre ont été jugés, trois ont obtenus du sursis et un seul a été condamné à une peine effective. Une réalité à mettre en parallèle avec une conclusion d’Amnesty International pointant que « 53% des dossiers pour viol sont classés sans suite« .
La Sénatrice Véronique Durenne est revenue sur ce sujet malheureusement toujours d’actualité par l’intermédiaire de la question écrite qu’elle a adressée à la secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres, l’Egalité des chances et à la Diversité Sarah Schlitz.
« Deux éléments m’interpellent particulièrement, explique Véronique Durenne. D’abord, l’absence de statistiques officielles à jour en Belgique sur la problématique des violences sexuelles ; un plan d’action efficace repose nécessairement sur des données fiables et à jour. Ensuite, le nombre particulièrement haut de faits de violence sexuelle. S’il est certain que plus de victimes signalent les faits aujourd’hui qu’il y a quelques années, nous savons qu’encore beaucoup d’entre elles ne s’adressent pas aux autorités (seules 10% le font, selon Amnesty International), ce qui augmente encore le nombre de faits perpétrés et le nombre de victimes dans la réalité. »
Et la Sénatrice de Celles de faire part de quelques interrogations très précises à la secrétaire d’Etat.
1. Quelles sont les données les plus récentes dont disposez à ce jour ? Avez-vous des données ventilées par Région ? A combien estimez-vous le chiffre noir, ce nombre de faits qui ne sont pas dénoncés à la police ?
2. Que comptez-vous mettre en place pour obtenir des données fiables et systématiquement à jour sur la problématique ?
3. Vos données corroborent-elles celles de l’étude commandées par la Commission européenne mentionnée ci-avant ? Comment expliquez-vous que si peu d’auteurs soient poursuivis ou condamnés ?
4. De quelle marge de manœuvre disposez-vous dans les limites de vos compétences pour mettre en place un plan d’action efficace visant à diminuer le nombre de violences sexuelles, le nombre de dossiers classés sans suite et le chiffre noir ?
La réponse de la secrétaire d’Etat était attendue au plus tard le 24 décembre 2020 et elle est arrivée deux jours plus tôt. La voici, en intégralité:
« 1) Les dernières données les plus complètes au niveau national en matière de prévalence des violences sexuelles sont issues de l’enquête sur la violence à l’égard des femmes publiée en 2014 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE). Selon ses résultats, 22 % des victimes ont parlé de l’acte le plus sévère de violence commise à leur égard par un(e) partenaire à la police et 15 % des victimes lorsque l’acte fut commis à une autre personne qu’un(e) partenaire. Cette enquête ne livre pas de données ventilées au niveau régional. Selon l’enquête nationale de santé 2018, 2,3 % de la population belge âgée de quinze ans et plus déclare avoir été victime de violence physique au cours des douze derniers mois dont 0,9 % ayant subi des violences sexuelles. Aucune différence significative régionale ne ressort des résultats. Enfin, 18 % des citoyens ou citoyennes ayant subi un fait d’atteinte aux mœurs déposent plainte pour ce délit auprès de la police selon le Moniteur de sécurité 2018.
2) L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes sera chargé de travailler spécifiquement sur cette question dans le cadre du prochain Plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN) 2021-2025, en collaboration avec les partenaires concernés. Par ailleurs, une nouvelle enquête nationale sera lancée début 2021 afin de mieux connaître l’ampleur des violences basées sur le genre, en ce compris donc les violences sexuelles. Cette enquête est cofinancée par l’État fédéral et les entités fédérées et s’inscrit dans le cadre des travaux d’Eurostat.
3) Les autorités policières et judiciaires veillent à répondre de manière appropriée aux situations de violences sexuelles en accordant une attention particulière à la protection de la victime et en engageant des poursuites à l’égard de l’auteur. Néanmoins, les faibles taux de condamnation sont effectivement souvent avancés comme contribuant à diminuer la confiance des victimes dans le système judiciaire et, par conséquent, à de faibles taux de signalement.
Il convient d’analyser et de distinguer avec précaution les différentes raisons qui peuvent expliquer qu’un dossier ne fasse pas l’objet de poursuites ou aboutisse à un classement sans suite. Ainsi, il n’y a parfois pas d’autres choix que de classer un dossier sans suite faute d’éléments de preuve suffisants ou d’identification de l’auteur. Je vous renvoie vers le ministre de la Justice pour obtenir davantage d’explications à ce sujet.
4) Les violences sexuelles restent malheureusement encore très répandues dans notre pays, à tous les niveaux de la population, et continuent d’être marquées par un «chiffre noir» considérable. Sur la base d’un travail préparatoire réalisé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, je souhaite mener rapidement des négociations entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions afin d’adopter le PAN 2021-2025. La lutte contre les violences sexuelles sera au cœur de ce plan et s’appuiera sur de nouvelles mesures de sensibilisation, de formation, de prévention, de protection, de soutien, de poursuites et de politiques intégrées. J’insisterai auprès de mes collègues pour une prise en compte effective des recommandations de la société civile et du rapport du Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Group of Experts on Action against Violence against Women and Domestic Violence – GREVIO) dans ce cadre.
Le déploiement des centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) constitue bien évidemment un enjeu extrêmement important. Le fait que les CPVS concentrent tous les secours en un seul endroit aide les victimes à franchir le pas pour déposer plainte. Six victimes sur dix qui s’y présentent portent plainte à la police, bien davantage qu’habituellement en matière de violences sexuelles. En outre, la grande majorité des victimes y apprécient l’expertise et la qualité des soins fournis. C’est pourquoi, l’ouverture de dix CPVS opérationnels d’ici 2023 constituera ma priorité absolue afin de contribuer à une meilleure politique de lutte contre les violences sexuelles en Belgique. »