Le suivi du rapport d’information
L’an passé, le Sénat a réalisé et approuvé un rapport d’information consacré à la transposition des directives européennes dans le droit belge… et riche en recommandations. Dans une question écrite, le Sénateur Jean-Paul Wahl demande au ministre Reynders les suites qui ont été réservées au travail du Sénat.
C’était en mai 2015. Le Sénat, en séance plénière, adoptait un rapport d’information consacré à la transposition des directives européennes dans le droit belge (plus d’info par ici ou par là). Un document utile qui contenait des recommandations utiles au fédéral mais aussi aux entités fédérées.
Dans une question écrite adressée à Didier Reynders, vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères et européennes, le Sénateur et chef de groupe MR Jean-Paul Wahl s’enquiert des suites qui ont été accordées à ce fameux rapport d’information.
« De nombreuses législations nationales sont adoptés sous l’influence des normes européennes, explique tout d’abord le Sénateur jodoignois. Notre pays a fait l’objet à de nombreuses reprises de procédures d’infraction plus élevées que la moyenne européenne. De plus, une transposition correcte et non tardive des directives européennes garantit les droits des entreprises et des citoyens. »
Jean-Paul Wahl rappelle ensuite l’existence du rapport d’information conçu par le Sénat et de sa soixantaine de recommandations : « Un grand nombre d’entre elles étaient directement adressées aux gouvernements. Pouvez-vous nous indiquer si certaines – voire l’ensemble – des recommandations destinées au gouvernement fédéral ont été prises en compte ? »
La réponse du ministre est arrivée le 4 août.
Elle est disponible in extenso ci-dessous:
« En 2015, la commission des Matières transversales – Compétences régionales a établi une liste de soixante-et-une recommandations afin de faciliter la transposition des directives dans notre pays et afin de réduire le nombre de procédures d’infraction à l’encontre de la Belgique. Ce document a retenu toute mon attention. Mes services peuvent mettre certaines recommandations en œuvre, mais d’autres ne relèvent pas de leurs compétences.
En ce qui concerne les recommandations 8, 12, 13, 31 et 54, je peux confirmer à l’honorable membre que celles-ci ont été mises en œuvre avant la publication du rapport.
Depuis lors, mes services ont accordé une attention particulière aux recommandations :
– recommandation 13 : mes services ont proposé un diagnostic des diverses limitations du système informatique Eurtransbel, qui est le seul outil couvrant potentiellement toutes les entités belges, fédérale comme fédérées ;
– recommandation 16 et recommandation 18 : la principale piste de travail a été et reste l’action visant à rapprocher le négociateur des futurs transposeurs, l’expérience ayant montré que le manque de contacts, voire l’ignorance des directives en cours de négociation conduit à la perte de précieux mois en terme de transposition. À cet égard, mes services chargés de la coordination européenne (la DGE), ont lancé les actions suivantes :
– mention systématique, lors des coordinations / concertations portant sur des propositions de directives, de deux éléments liés à la transposition, à savoir l’identification préalable des transposeurs et le délai de vingt-quatre mois minimum que la Belgique doit défendre ;
– ces éléments peuvent être d’ailleurs mentionnés dans les agendas commentés rédigés par la DGE à l’attention des postes et surtout de la Chambre des représentants ;
– diffusion systématique aux eurocoordinateurs, par la DGE, le jour même de la publication au Journal officiel de l’Union européenne (UE), des directives que l’UE vient d’adopter, avec la mention des délais de transposition ;
– une meilleure utilisation et diffusion, via les eurocoordinateurs, de l’information disponible au sein de la représentation permanente de la Belgique auprès de l’UE a été mise en place, à savoir un tableau établi par le secrétariat général du Conseil récapitulant l’état des projets de textes législatifs (directives et règlements). Ce tableau est annoté avec l’indication préliminaire des départements qui seraient chargés de transposer les directives. Ce tableau sera bientôt encodé dans la banque de données Eurtransbel (cf. Recommandation 13) ;
– mise à l’ordre du jour de dossiers sensibles / compliqués de la réunion des eurocoordinateurs, pour signaler des dossiers techniquement ou politiquement compliqués en terme de transposition, afin d’identifier les blocages, lacunes et solutions éventuelles ;
– recommandation 20 : dans le cadre du processus de modernisation de la banque de données Eurtransbel, un système d’envoi automatique d’avertissements aux eurocoordinateurs afin de signaler l’imminence de l’échéance de transposition est en cours d’élaboration ;
– recommandation 33 : le manuel abondant et détaillé pour la transposition des directives dans notre pays a été finalisé et ensuite diffusé aux présidents de la Chambre et du Sénat, aux présidents de tous les services publics fédéraux (SPF) et services publics fédéraux de programmation (SPP), et à tous les eurocoordinateurs ;
– recommandation 56 : les entités fédérées sont toujours associées aux instances devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) lorsque l’instance porte sur leurs compétences. Les conclusions de l’État belge sont toujours déposées en étroite collaboration avec toutes les autorités compétentes en la matière.
En outre, début 2016, le Comité de concertation a avalisé de nouvelles instructions rédigées par mon administration, selon lesquelles tous les documents de procédure sont envoyés aux autorités techniques compétentes (donc également aux Régions et Communautés le cas échéant) et la position défendue par la Belgique dans chaque affaire est élaborée sur base des éléments donnés par ces mêmes autorités. Les documents de procédure ne sont envoyés à la Cour au nom de la Belgique qu’avec l’accord de toutes les autorités concernées.
De surcroît, la Belgique cet été aura accès au système e-Curia. Cette application est destinée aux agents des États membres et des institutions de l’UE ainsi qu’aux avocats, et vise à leur permettre d’échanger, par voie électronique, les pièces de procédure avec la CJUE. A partir de ce moment, chaque nouvelle affaire ne sera plus envoyée par courrier aux autorités techniques compétentes, mais sera téléchargée sur un cloud créé par mon administration. Tous les Eurocoordinateurs pourront alors consulter et télécharger afin de pouvoir déterminer si la question relève ou non des compétences de leur département. Ainsi, tout risque d’erreur de compétence sera évité ;
– recommandation 61 : coordonner le suivi de la jurisprudence de la CJUE et informer les entités compétentes des arrêts de la CJUE qui concernent les actes législatifs relevant de leur compétence, afin de leur permettre de tirer de ces arrêts les conclusions nécessaires pour l’application de ces actes législatifs en Belgique, est impossible à réaliser pour ce qui concerne les affaires préjudicielles en interprétation, vu le manque d’effectif et le temps exigé pour une telle tâche. De plus, chaque administration est la mieux placée pour apprécier en pratique les conséquences d’un arrêt de la CJUE.
Néanmoins, sur demande des autorités compétentes, les agents belges devant la CJUE donnent leur avis (non contraignant) sur la réponse proposée dans le cadre des procédures d’infractions par rapport à la jurisprudence de la CJUE ou encore aux principes généraux du droit de l’Union ; afin de renforcer la fiabilité juridique de cette réponse, sa conformité au droit de l’Union ainsi que la cohérence de celle-ci par rapport à la position de la Belgique dans d’autres domaines.
De plus, les agents du gouvernement belge devant la CJUE transmettent une fois par mois à tous les Eurocoordinateurs une liste des arrêts en manquement rendus contre d’autres États membres.
En outre, un guide détaillé sur les procédures d’infractions rédigé par mon administration a été avalisé en Conseil des ministres le 23 octobre 2015 et en Comité de concertation le 27 janvier 2016. Ce guide a ensuite été envoyé et expliqué lors d’une séance organisée par mes services à tous les Eurocoordinateurs en mars 2016.
Enfin, je peux vous mentionner que la recommandation 7 a été mise en œuvre, en ce qui concerne mes services.
En outre, je ferai en octobre un exposé sur la transposition et sur les procédures d’infraction à l’encontre de notre pays au sein du Comité d’avis fédéral chargé des Questions européennes (cf. recommandations 46 et 53). »