Implication des chemins de fer belges dans les déportations durant la Seconde Guerre Mondiale : le Groupe des Sages remet ses conclusions au Gouvernement fédéral

Ce vendredi 17 janvier, le Groupe des Sages mis sur pied à l’initiative du Gouvernement fédéral a présenté au Sénat ses propositions sur les initiatives à prendre suite à l’implication des chemins de fer belges dans l’organisation de convois de déportation qui ont mené plus de 25.000 Juifs, Roms, prisonniers politiques et travailleurs forcés vers Auschwitz durant la Seconde Guerre mondiale.

Le groupe a ainsi adressé au Gouvernement 30 recommandations pour assumer collectivement cette page sombre de notre histoire, avec dignité et intégrité.

 

En décembre 2023, une étude du CegeSoma (le Centre d’Étude Guerre et Société des Archives de l’Etat) réalisée à la demande conjointe du Sénat et du Ministre de la Mobilité levait le voile sur l’implication des chemins de fer belges dans la Déportation de Juifs, des Roms, des prisonniers politiques et des travailleurs forcés durant la Seconde Guerre mondiale.

À la lumière de ces révélations, et considérant que ces faits relèvent d’une responsabilité collective historique, le Gouvernement fédéral a mis en place, sur proposition du Ministre de la Mobilité, un Groupe des Sages chargé de se pencher sur les suites à apporter aux conclusions de cette étude.
Le Groupe des Sages a été mandaté pour mener un travail sous trois volets : faire connaître vérité, assurer la transmission et proposer des formes de réparation.
Composé de douze membres aux profils variés en termes de genre, d’âge, de langue, de profil et de sensibilité, ce Groupe des Sages s’est réuni à huis clos à dix reprises entre le 27 mars et le 25 novembre 2024. Il a travaillé en totale autonomie, avec le soutien logistique du Sénat.

Le Groupe s’est fondé sur les conclusions de l’étude historique du CegeSoma, sur des auditions des acteurs concernés et sur des avis écrits. Il a notamment examiné les précédents belges et étrangers en matière de reconnaissance des traumatismes et de réparation. Il a entendu les parties prenantes pour formuler des suggestions d’actions à entreprendre en matière de réparation aux victimes, de transmission et de diffusion de la vérité historique. Les fruits de leurs travaux ont été consignés dans le rapport présenté ce vendredi 17 janvier.

Dans ses conclusions, le Groupe des Sages émet trente recommandations, privilégiant les actions concrètes et réalisables. Parmi elles, la poursuite, l’extension et le financement d’actions mémorielles, l’amélioration du statut des victimes, la présentation d’excuses officielles par la SNCB, la mise en œuvre de diverses actions de communication à destination du grand public et en particulier des jeunes générations, visant à faire connaître la réalité révélée par l’étude historique, le développement d’outils pédagogiques… Le Groupe souligne l’importance d’accentuer la coordination des dispositifs et initiatives existants en matière de mémoire, d’éducation et de renforcement de la citoyenneté, ainsi que leur évaluation.

Ces enseignements concernent, d’une part, le renforcement des règles de gouvernance, et, d’autre part, la formation du personnel du secteur public, au sens large, et du secteur privé, aux enjeux sociétaux et à l’esprit critique, et particulier à la gestion des dilemmes moraux. Ces mécanismes sont indispensables, insiste le Groupe, afin de préserver l’Etat de droit, la résilience démocratique de nos institutions, administrations et entreprises, et de garantir le respect des droits fondamentaux. Indispensables pour le présent et le futur, pour faire en sorte que ce passé ne se reproduise plus.

Le Groupe des Sages a remis ces recommandations au Gouvernement actuel. Il appelle à leur mise en œuvre. Elles devront ainsi figurer dans la prochaine Déclaration de politique générale.

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Retrouvez ci-dessous le discours prononcé par la Présidente du Sénat Valérie De Bue

Mesdames et Messieurs,

Merci de votre présence et bienvenue au Sénat.

C’est un honneur particulier pour nous de vous accueillir ici aujourd’hui. Cette réunion marque un moment important dans le processus de réflexion sur un chapitre sombre de notre histoire : le rôle des chemins de fer belges pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans la déportation des Juifs, des Roms, des prisonniers politiques et des travailleurs forcés. Le Sénat a joué un rôle clair dans la genèse du Groupe des Sages.

Tout a commencé par une question parlementaire en 2018 sur le rôle de la SNCB pendant la Seconde Guerre mondiale. La réponse était claire : une recherche historique était essentielle. En 2019, la Chambre a adopté une résolution appelant à une étude indépendante. Ensuite, Monsieur François Bellot, ministre de la Mobilité de l’époque, a adressé une demande au Sénat, sous la présidence de Monsieur Brotchi et de Madame Laruelle respectivement, de faciliter cette recherche. Le Sénat a reconnu l’importance de cette mission et l’a assumée avec responsabilité.

Après une période de préparation, quelque peu retardée par la pandémie de COVID, le Sénat, sous la présidence de Madame D’Hose, et le gouvernement fédéral ont confié en janvier 2022 au CegeSoma la mission formelle d’une recherche approfondie, non seulement sur la déportation des Juifs, mais aussi des Roms, des prisonniers politiques et des travailleurs forcés. En décembre 2023, le chercheur Nico Wouters a présenté les résultats ici au Sénat.

Le ministre Gilkinet a ensuite souligné, au nom du gouvernement fédéral, la nécessité d’une suite appropriée à cet important rapport de recherche. C’est ainsi que le Groupe des Sages a été créé, avec la mission de réfléchir à des mesures concrètes. Le Groupe a pu compter sur le soutien logistique du Sénat pour l’organisation et le soutien des réunions.

La composition du Groupe a fait l’objet d’une grande attention, avec un souci d’équilibre en termes de langues, de genre, d’origine et d’expertise. Sous la direction compétente de Madame Tulkens et grâce à la précieuse expertise de Monsieur Wouters, le Groupe a reçu un mandat important et complexe : comment pouvons-nous, en tant que société, faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais ? Comment honorer les victimes de manière respectueuse ? Comment pouvons-nous reconnaître la souffrance et favoriser la réparation ? Et, peut-être le plus important, comment transmettons-nous ces leçons essentielles aux générations futures ?
Le Sénat étudiera les recommandations du Groupe des Sages avec la plus grande attention et cherchera des moyens concrets de contribuer à la mise en œuvre et à la diffusion des recommandations, en commençant par une présentation du rapport par le Groupe des Sages, suivie d’un échange de vues lors d’une des prochaines réunions de la Commission des Affaires institutionnelles.

Permettez-moi de conclure en affirmant, Mesdames et Messieurs, que le Sénat est fier d’avoir joué un rôle dans ce processus crucial de recherche historique et de réflexion. Il est d’une importance capitale que nous continuions à tirer les leçons du passé afin de construire un avenir meilleur, un avenir dans lequel de telles tragédies ne se reproduiront plus jamais.

Je donne maintenant volontiers la parole à Madame Françoise Tulkens, présidente du Groupe des Sages, et à Monsieur Guido Gryseels, vice-président du Groupe, pour un exposé sur les conclusions et les recommandations. Ensuite, le ministre Gilkinet prendra la parole, après quoi il y aura une séance de questions pour la presse.

Je vous remercie.