Pas de démocratie sans liberté d’expression
Le Sénat a adopté en séance plénière une proposition de résolution demandant la libération du prisonnier politique russe Alexeï Navalny. Un texte qui avait été introduit par le Groupe MR.
« Trois ans et demi de prison. Telle est la peine à laquelle un tribunal de Moscou a condamné Alexeï Navalny le 02 février 2021. De quoi ajouter une ligne de plus à la longue liste des pérégrinations politico-judiciaires de celui qui, au fil des années, s’est imposé comme le leader de l’opposition au pouvoir en place en Fédération de Russie. »
C’est par ces mots que débute la proposition de résolution qui a été présentée et adoptée, ce vendredi 26 février, en séance plénière du Sénat. Ce texte a été initié par le Groupe MR, rejoint par la suite par le PS, l’Open VLD, le CD&V et le SP.A.
S’il est quasi impossible de revenir sur tous les épisodes ayant émaillé la lutte d’Alexeï Navalny avec les autorités de son pays, difficile de ne pas revenir sur les faits marquants des mois écoulés, par ailleurs résumés dans la proposition de résolution.
« En août 2020, alors qu’il menait campagne en Sibérie dans le cadre des élections locales et régionales, Alexeï Navalny est tombé gravement malade. D’abord traité dans un hôpital sibérien, il a ensuite été transféré par avion à l’hôpital de La Charité, à Berlin. La cause a été détectée par les scientifiques allemands : le Novitchok, un poison bien connu mis au point par l’URSS dans les années 1980. A noter qu’aucune substance de ce type n’avait officiellement été décelée par les scientifiques russes.
Le 13 janvier 2021, après cinq mois de convalescence en Allemagne, Alexeï Navalny annonçait sur Instagram qu’il allait revenir en Russie. Quatre jours plus tard, à peine arrivé à Moscou qu’il était arrêté. Motif ? La violation d’un contrôle judiciaire auquel il était soumis depuis une condamnation dans le cadre d’une affaire datant de 2014 et que, du fait de son hospitalisation en Allemagne, il n’a pu honorer. Raisons sanitaires pour Alexeï Navalny mais touristiques selon la justice russe.
Alexeï Navalny a, pour rappel, été condamné avec sursis pour des détournements dans la filiale russe du groupe Yves Rocher au travers de l’entreprise de transport dont il était copropriétaire avec Oleg Navalny, son frère. Un verdict qui avait alors été dénoncé par la Cour européenne des droits de l’homme.
L’arrestation du 17 janvier 2021 a rapidement été suivie de nombreuses manifestations qui ont vu des dizaines de milliers de participants défiler dans de nombreuses villes de Russie, principalement à Moscou et Saint-Petersbourg. En ont résulté moult arrestations, dont 5.300 pour la seule journée du 31 janvier. »
Les réactions de la communauté internationale n’ont pas tardé. Nombre d’Etats et d’institutions se sont prononcés de manière critique quant à la manière d’agir de la Russie : Royaume-Uni, Etats-Unis, Belgique, Allemagne, France, Union européenne…
Vendredi, lors de la plénière du Sénat, c’est Philippe Dodrimont qui s’est chargé de rappeler les fondements de ce mécontentement.
« Tous ces faits témoignent d’une triste réalité : celle d’une liberté de parole et d’opinion limitée pour les opposants politiques mais aussi pour la société civile russes, a notamment déclaré le Sénateur MR liégeois. Dénoncer la corruption, exprimer son opposition au pouvoir en place et manifester pacifiquement semblent avoir un prix : celui de subir la répression et la condamnation. Cette tendance nous inquiète car elle va à l’encontre de nos valeurs. Face à elle, nous ne pouvons pas rester muets. »
Et Philippe Dodrimont de poursuivre son propos : « Nous ne pouvons en effet pas rester muets face au sort réservé à M. Navalny, mais de manière plus générale, face aux agissements de la Fédération de Russie et à son attitude par rapport au respect des droits humains. La liberté d’opinion, la liberté d’expression sont des principes fondateurs, des conditions sine qua non à l’exercice d’une démocratie. Il n’en est dès lors que plus révoltant de constater les entraves mises par les autorités russes. »
Compte tenu de tous ces éléments mais aussi de toutes les conventions et traités signés par la Russie, la proposition émet une série de demandes à l’adresse des différents gouvernements du pays :
1- S’associer aux initiatives européennes et internationales visant à la libération immédiate et inconditionnelle d’Alexeï Navalny et que, si procès il doit y avoir, que celui-ci soit juste et équitable ;
2- Insister, conjointement avec les partenaires européens et internationaux, auprès des autorités russes pour qu’une enquête approfondie sur la tentative d’assassinat sur Alexeï Navalny soit menée de manière urgente, indépendante et transparente, en coopération avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques pour garantir une enquête internationale impartiale et que les responsables soient traduits en justice ;
3- Envisager le soutien de la Belgque à l’instauration de mesures restrictives européennes compte tenu de la constante dégradation de la situation des droits humains en Russie ;
4- Rappeler à la Fédération de Russie, par le biais des relations bilatérales, qu’elle est partie à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Convention européenne des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’en tant que membre du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et de l’ONU, elle s’est engagée à respecter les normes et principes internationaux régissant l’Etat de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
Le texte a, in fine, été adopté avec 35 voix pour et 20 abstentions (PTB, N-VA et Vlaams Belang).